


"Desmodromique" vient
d'une composition du mot grec; desmos (contrôle) et
dromos
(course). Appliqué aux commandes des soupapes des moteurs Ducati, le terme
se traduit par "contrôle des courses descendantes et montantes des
soupapes". On dit d'un point de vue plus technique, que l'action sur les
soupapes est "positive" dans les deux cas, ou, en d'autres termes
plus simples, que les deux courses sont contrôlées mécaniquement.


La
distribution à commande desmodromique est une véritable
carte de visite de la
marque DUCATI, ne la cherchez pas ailleurs,
elle n'existe pas ...

 | Comme vous devez le savoir, sur les
moteurs à 4 temps, l'échange des fluides à l'intérieur du cylindre,
(mélange "frais" air/essence à l'admission remplaçant les gaz
brûlés à l'échappement) s'effectue par le biais de "valves"
d'admission et d'échappement, plus communément appelées soupapes. Ces
soupapes vont s'ouvrir durant une course descendante et se refermer en phase
montante, jusqu'à venir au contact de leur siège, situé dans la culasse.
Normalement, elles sont actionnées par une came qui contrôle la durée
d'ouverture (course descendante) et se referment sous l'effet d'un ressort
de rappel (course montante) et c'est à ce niveau là que tout est
différent sur les moteurs Ducati ...
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 | Mais tout cela ne nous dit pas pourquoi
l'ingénieur Fabio Taglioni, le père du "desmo" Ducati, à choisi
un tel système mécanique de commande de soupapes et s'est autant évertué
à l'imposer. Dans une interview réalisée en 1989, il expliquait ainsi
qu'en termes de mécanismes: "
il n'existe pas une solution universelle idéale. La clé du succès est de
développer une intuition avec dévotion, logique et avec ingéniosité.
C'est en effectuant des calculs et à la suite d'une démarche on ne peut
plus logique que je conclus qu'il fallait définitivement se passer des
ressorts de soupapes et de leur affreuse précontrainte...".
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 | En
effet, si on ne peut pas affirmer avec certitude que la commande
desmodromique permet de gagner de la puissance, elle permet en revanche de
ne pas en consommer. La meilleure preuve ! Faites tourner un moteur Ducati
à l'aide d'une clé disposée en bout de vilebrequin et vous constaterez
qu'il vous faut nettement moins d'énergie pour effectuer une rotation
complète puisque vous n'avez pas à contrer la force exercée par les
ressorts de rappel des soupapes.
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 | De plus, le fait de contrôler
l'ouverture et la fermeture des soupapes supprime le phénomène
d'affolement de ces dernières à haut régime. Un phénomène lié aux
caractéristiques des ressorts utilisés. Avec une distribution à commande
desmodromique,
ces problèmes sont inexistants: la douceur de la commande ne consomme qu'un
minimum de puissance à bas régime, tandis que la définition même du
système autorise les plus hauts régimes de rotation, sans rebond des
soupapes.
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Dessin d'une commande
desmodromique de desmodue

Fabio
Taglioni, ingénieur illustre, père du Desmo, développe les raisons qui
l'ont conduit en 1956 à opter pour ce type de distribution afin de porter
les performances des moteurs à un niveau jusqu'alors insoupçonné. Un
concept technique d'une grande lucidité qui ne peut que nous fasciner.
 | Taglioni précise
les raisons d'un choix dont il ne s'est jamais
départi: "Je tiens à préciser un concept fondamental, afin d'effacer une fois
pour toute des esprits, les interprétations erronées qui ont été données
aux raisons qui m'ont conduit, il y a de cela quelque trente ans, d'équiper
les moteurs de la Ducati 125 de GP d'une commande desmodromique. D'aucun ont
prétendu qu'il s'agissait de repousser, en termes de diagramme et de régimes
de rotation, les limites que les ressorts de l'époque imposaient. C'est
faux : dans les années 50 de bons aciers pour ressorts, de haute
technologie
et de grande efficacité, existaient déjà (à l'époque de l'apparition de
la Ducati 125 Desmo, grâce à ses activités aéronautiques et ses contacts
aux États-Unis,
Augusta utilisait des ressorts américains). Les Ducati Desmo tournaient
ainsi à des régimes de plus de 13 000 tr/mn, et les MV devaient atteindre
les mêmes limites. Ce qui prouve bien que la qualité des ressorts était réelle.)
D'autre part, si les soupapes ont tendance à " s'affoler
", la faute doit en revenir au concepteur qui n'a pas su tenir compte
des accélérations. C'est précisément là où la moindre erreur est
lourde de conséquence. Après calcul des accélérations des soupapes des
moteurs la conclusion nous amène au besoin d'éliminer la source des
inerties qui briment la force que la came est capable d'appliquer à la
soupape dès l'ouverture : la précharge du ressort. En réalité, il
est toujours possible de réduire les masses pour diminuer ces inerties,
mais il ne faut pas oublier que la réduction structurelle des organes
(poussoirs et soupapes) est conditionnée par leur résistance mécanique à
la force appliquée. C'est
pourquoi il m'a semblé plus logique d'éliminer la précharge du ressort et d'utiliser une
commande mécanique de rappel de la soupape. Si l'on connaît la résistance
structurelle de l'ensemble soupape/poussoir, on connaît également la force qui peut y être appliquée.
Admettons qu'elle soit égale à 100.
Une moitié de cette force sert à vaincre
l'inertie de la soupape, tandis que l'autre
moitié est utilisée pour vaincre la
précharge du ressort. Comme ce dernier
doit surmonter à son tour l'inertie de la soupape en phase de fermeture, la valeur
de cette inertie ne peut être
supérieure à la force disponible. Ce qui
fait donc 100 au total. En éliminant la
précharge du ressort, sans altérer pour
autant l'équilibre énergético-cinématique du système, il est possible
de continuer à appliquer
à l'ensemble poussoir/soupape une force de 100, cette fois-ci entièrement
vouée à l'obtention de l'accélération maximale de la soupape à
l'ouverture, en utilisant des profils et des levées plus poussés, au bénéfice
du rendement. C'est sur ce point que le desmo est de loin supérieur à la
classique application à ressort de rappel ".
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Une
commande Desmo

Un ancien
moteur Desmodue à couples coniques de 864 cm3

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Mais quelles sont en fait les limites du
Desmo? : "
Nous pouvons déjà en identifier une, qui est la nécessité d'opérer
avec un culbuteur dont le jeu est pratiquement égal à zéro. Mais ce problème,
je l'ai résolu par le montage d'un ressort hélicoïdal sur le culbuteur de
fermeture. La configuration et les dimensions de ce ressort ne laissent
aucun doute : le ressort ne participe que dans des proportions
infinitésimales
au travail de rappel de la soupape, pour la simple raison que sa charge
n'est absolument pas conçue pour cela donc totalement inappropriée. Mais
cette pièce est déterminante pour le contrôle des rebonds successifs de
la soupape, dans le cas où le culbuteur aurait un jeu supérieur à 0. Ce
ressort récupère en fait le jeu éventuellement existant et assure la
parfaite fermeture de la soupape. Il a également pour fonction d'amortir
les rebonds, à l'instar d'un amortisseur. Une deuxième limite est liée à
la géométrie de la cinématique elle-même. La position des axes
d'oscillation des culbuteurs ou des doigts par rapport à celle de l'axe
de la soupape doit être calculée avec la plus grande rigueur, afin de prévenir
que la tige de la soupape ne soit soumise à des poussées excessives.
L'expérience m'a montré que la géométrie optimale consiste à faire
travailler les deux culbuteurs suivant des axes qui forment un angle de 90° avec ceux de la soupape (au quart de la levée du culbuteur d'ouverture
et au quart de la fermeture pour le culbuteur correspondant). Enfin, tout comme pour la force applicable à la cinématique commandant
l'ouverture de la soupape, la force applicable à la cinématique commandant
sa fermeture est tributaire d'une limite. Dans le premier cas, le maillon
faible est constitué non pas tant par le contact came patin du culbuteur ou par les limites d'usure
correspondantes que par le contact entre l'extrémité du culbuteur et le
registre au sommet de la tige de la soupape. (Je me réfère là aux moteurs Desmo à deux soupapes dont je m'occupais), car une force excessive appliquée
dans cette zone, où le contact affecte la forme d'une pointe, peut
provoquer
l'écaillage de la pastille du registre. Dans le second cas, le maillon
faible est représenté par la bague de retenue du registre de fermeture
et de la gorge aménagée dans la tige de la soupape. Une force excessive
appliquée à ce niveau peut provoquer le tassement de la bague et la déformation
de la tige. Et les choses empirent encore si le culbuteur de rappel ne
travaille pas en équerre par rapport à l'axe de la soupape, car la force
n'est pas appliquée sur la totalité de la circonférence de la bague d'arrêt,
mais seulement sur une portion de celle-ci. Ce qui nous renvoie au
point précédent : l'exactitude de la géométrie du Desmo. Je sais très
bien que la conception d'un Desmo est loin d'être un jeu d'enfant, à vrai
dire c'est la croix et la bannière pour réussir à le définir d'une manière
correcte, mais c'est précisément cette difficulté qui doit " interpeller " un concepteur digne de ce nom. Un Desmo qui a
été proprement dessiné DOIT présenter des taux d'usure des sièges de
soupapes beaucoup plus faibles que ceux qui sont généralement admis sur
un système de distribution classique. La simple raison en est que le contrôle
du mouvement de la soupape est autrement plus précis et complet,
s'effectuant instant après instant, fraction de degré par fraction de degré.
Si ce n'est pas le cas, il faut retourner se pencher sur sa planche à
dessin ".
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Vue d'une commande Desmodue
complète ...

Dessin en coupe d'une
culasse avec détail du desmo vu ci-dessus

Le même moteur Desmodue
ci-dessus avec détails ajourés ...

 | Ducati utilise ce système depuis 1956,
c'est le seul constructeur au monde à avoir appliqué cette technologie
aussi bien aux machines de série qu'a celles de compétition, avec le
succès qu'on leur connaît ...
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